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Rue des femmes #3 Lucie Aubrac (1912-2007)

En 2022, Le Mag’ inaugure une nouvelle série historique, celle des femmes dans l’espace public de la commune. Si leurs noms nous sont familiers, leurs vies, en revanche demeurent obscures pour beaucoup.

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Lucie Bernard naît le 29 juin 1912, à Paris. Avec son futur mari Raymond Samuel, né en 1914 et qui prendra le nom d’Aubrac pendant la Résistance, ils formeront à eux deux « les Aubrac », l’un des couples les plus fameux dans l’histoire héroïque de la Résistance tant dans l’action qu’ultérieurement dans la transmission de celle-ci. Le 8 mai 2021, la Ville a inauguré la plaque donnant leurs noms à l’ancienne avenue du Cimetière communal.

Issue d’un milieu d’origine paysanne, la jeune Lucie Bernard passe avec succès l’agrégation d’histoire en 1938. Elle avait antérieurement fréquenté les Jeunesses communistes où elle se fit remarquer pour son dynamisme, son éloquence mais aussi pour son indépendance de caractère. Nommée en 1939 professeur à Strasbourg, elle s’y lie avec Raymond Samuel, un ingénieur mobilisé à l’Armée depuis le début de la guerre. Ils se marient en décembre. Fin septembre 40, alors qu’il est prisonnier des Allemands, Lucie Aubrac organise sa première évasion. Ils se réfugient en zone libre, à Lyon, qui deviendra une véritable capitale de la Résistance.

Libération sud


À partir d’initiatives balbutiantes et suite à une rencontre avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie, se crée en juillet 1941 le mouvement Libération Sud, l’un des plus importants réseaux de Résistance avec « Combat » et « Francs-Tireurs ». Impression clandestine, recrutements, sabotages sont leur activité au quotidien, Lucie excellant dans l’organisation d’évasions, alors même, qu’en couverture, elle a repris ses activités de professeur. Devenu responsable des Groupes francs, le « bras armé » de Libération-Sud, Raymond (devenu Aubrac) est arrêté en mars. Par un stratagème d’intimidation, Lucie obtient du Procureur sa libération quelques jours plus tard. Suite à une trahison, Raymond est à nouveau capturé en juin, à Caluire, pris dans les filets de la Gestapo de Lyon dirigée par Klaus Barbie, en même temps que Jean Moulin, chef du tout nouveau Conseil national de la Résistance. Emprisonné au fort de Montluc, il est délivré fin octobre lors d’une opération commando spectaculaire montée par Lucie qui, auparavant, à grand péril et force de ruse, avait pu circonvenir Barbie en obtenant un droit de visite à son mari et lui passer ainsi un plan d’évasion.


D’autres combats


Le couple réuni rentre dans la clandestinité, avant de rejoindre Londres en février 1944. Lucie, enceinte, y est accueillie en héroïne et ses talents oratoires sont exploités par la BBC. Nommée à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, elle n’y siégera qu’à la Libération, fin août, à Paris. Elle s’y implique notamment sur les questions sociales et éducatives. Dans le contexte de Guerre froide qui suit la Libération, une tentative électorale – sous l’étiquette communiste – a lieu pour Lucie. Les Aubrac, devenus « compagnons de route » du PCF (sans y adhérer) vont se retourner vers leurs vies professionnelles respectives d’abord en France, puis à l’étranger, à partir de 1956. Si Lucie poursuit ses engagements militants au sein du nouveau Mouvement de la Paix ou dans le soutien à l’Appel de Stockholm contre l’arme nucléaire, les terribles révélations progressives sur le « Socialisme réel » en œuvre dans le bloc soviétique vont tempérer son enthousiasme.


Le devoir de mémoire


C’est à partir de 1984, à l’occasion du procès de Klaus Barbie, que la voix de Lucie Aubrac s’élèvera de nouveau puisque ressurgissent, en marge, les débats historiques parfois polémiques sur les conditions d’arrestation de Jean Moulin. Dans son livre Ils partiront dans l’ivresse, elle y donne sa version sur cette période lyonnaise en 1943/44, dont aucun aspect majeur ne sera contesté. Jusqu’à son décès en mars 2007, au cours de maintes interventions notamment en direction des jeunes lycéens, Lucie Aubrac témoigne de cette histoire. Alors qu’après la Libération une BD américaine s’était emparé de son histoire outre-Atlantique, en 1993 et 1997, deux films français (Boulevard des hirondelles et Lucie Aubrac) porteront à l’écran son épopée. Certaines scènes du chef d’œuvre cinématographique de Jean Pierre Melville, L’Armée des ombres, s’en sont aussi inspiré, faisant de Lucie Aubrac une « icone » de la Résistance.

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